“Trouver des alternatives aux engrais chimiques grâce aux champignons”, Justine Lipuma, Présidente de Mycophyto

15, Mar 2023 | Agriculture

Fondée en 2017, Mycophyto produit et distribue des solutions uniques à base de Champignons Mycorhiziens Arbusculaires (CMA) indigènes. Mycophyto augmente la biodiversité naturelle des sols dans un objectif d’agriculture éco-efficiente, résiliente face aux conséquences du changement climatique. Rencontre avec sa présidente Justine Lipuma

3 questions à Justine LIPUMA Présidente de MYCOPHYTO

1/ Pouvez-vous nous décrire votre produit (ou service) et nous dire comment il résout un problème actuel dans le domaine agricole et / ou alimentaire ?

MYCOPHYTO est une deeptech qui développe des solutions biologiques de revitalisation des sols uniques pour réduire l’apport en eau et en engrais chimiques grâce à ses champignons mycorhiziens arbusculaires spécifiques à chaque territoire. Grâce à un savoir-faire unique basé sur la connaissance de champignons mycorhiziens arbusculaires avec une Biobanque, un système de production breveté et le développement d’un système d’information prédictif unique au monde combinant biotechnologie, big data et intelligence artificielle, MYCOPHYTO propose une solution naturelle qui permet jusqu’à 20% de réduction des intrants comme l’eau ou les engrais chimiques. Face aux défis climatiques que les agriculteurs ont à relever, MYCOPHYTO apporte des réponses concrètes pour prendre soin de nos sols et les rendre résilients et ainsi assurer la pérennité de notre alimentation.

Après une levée de fonds remarquée de 1.4 million d’euros en 2019, MYCOPHYTO vient de clôturer pour 2022 un nouveau tour de table d’un montant de 4.155 millions d’euros. Cette levée de fonds a été un défi important pour l’entreprise car nous sommes dans une phase clé de notre développement. Franchir cette étape est formidable et nous allons pouvoir mettre en œuvre notre stratégie industrielle et nous préparer à franchir une nouvelle étape dans notre croissance. 

La société, créée en 2017 par Christine Poncet et moi-même développe des solutions biologiques naturelles (champignons mycorhiziens) pour revitaliser les sols et accélérer le développement des plantes. Elle se lance désormais dans la production à grande échelle et ambitionne ainsi de devenir leader sur le marché européen d’ici 2025.

L’objectif de MYCOPHYTO est de permettre aux agriculteurs de réaliser une transition environnementale réaliste sur le plan économique et durable. Pour cela, il faut leur permettre d’innover avec des solutions fiables, efficaces et facilement applicables. La phase d’industrialisation lancée est ambitieuse mais MYCOPHYTO a su se structurer pour relever ce défi. Avec un effectif en hausse et de nouveaux profils à même d’apporter les nouvelles compétences requises, MYCOPHYTO est en ordre de marche pour se lancer à l’assaut des filières cibles du marché européen d’ici 2025.

2/ Comment travaillez-vous avec des partenaires externes, tels que les universités et les entreprises de biotechnologies, pour développer votre solution ?

Présidente de la SAS MYCOPHYTO, Docteur en Biologie de l’université de Nice, je suis spécialiste des interactions plantes/micro-organismes et de l’interaction symbiotique mycorhizienne. Les techniques de microbiologie nécessaires à la sélection de champignons symbiotiques (culture en synthétiques sélectifs) ou celles de biologie moléculaire de caractérisation de ces champignons (sélection par marqueurs) ainsi que la culture in vitro (plantes et champignons), sont des compétences techniques spécifiques acquise après quatre années de travail en laboratoire. J’ai également développé des travaux scientifiques innovants sur l’amélioration de l’efficacité de la symbiose microbienne.

Je suis rentrée de ma collaboration avec l’Université de Turin en 2015 avec une expérience et des connaissances uniques sur les symbioses plantes-microorganismes et leurs effets bénéfiques sur les agroécosystèmes. J’ai souhaité mettre mon parcours universitaire au bénéfice du secteur de l’agriculture que je connaissais déjà puisqu’ayant fait mes études secondaires dans un lycée agricole. Mon objectif est de promouvoir des outils biologiques enfin efficaces pour une agriculture durable i.e. sans intrants chimiques en utilisant les champignons mycorhiziens arbusculaires (CMA).

Fin 2015, je rencontre Christine Poncet, alors directrice adjointe de l’Institut Sophia Agrobiotech (INRA -Institut Nationale de la Recherche Agronomique) en charge de l’innovation. Christine Poncet est une experte internationalement reconnue des systèmes de production agricoles plus respectueux de l’environnement et en particulier de la conception et validation d’alternatives aux pesticides chimiques.

En parallèle, Christine a déjà vérifié l’efficacité des champignons mycorhiziens dans le cadre d’un projet européen qu’elle a coordonné. Elle m’ encourage alors dans mon projet et m’accompagne dans la naissance de MYCOPHYTO en 2017.

3/  Quel est votre plan pour la croissance et le développement à long terme de votre entreprise et comment prévoyez-vous de rester compétitif dans un marché en évolution rapide ?

A horizon 2025, l’objectif est de produire une offre de gammes de produits et services à  grande échelle, en parallèle du maintien d’offres à façon pour des terroirs d’exceptions et produits de hautes valeurs ajoutées. Ces deux moyens de répondre aux besoins spécifiques des territoires permettent aux agriculteurs de concilier productivité, environnement et revenu décent, valeur chère à MYCOPHYTO. Dans un contexte géopolitique où la souveraineté alimentaire est une priorité nationale, trouver des alternatives aux engrais chimiques, dont la matière première provient de l’étranger, est une nécessité. Ces alternatives se doivent également de répondre aux défis du changement climatique (notamment la gestion de longues périodes de sécheresse). Pour atteindre ces ambitions, MYCOPHYTO doit bénéficier de moyens financiers permettant d’investir dans l’humain en faisant grandir l’équipe, d’investir dans des locaux et équipements permettant de passer d’une échelle de production à une autre, d’investir dans des forces commerciales pour accompagner le développement et aider à l’adoption de ces innovations.

Propos recueillis par Marie-Laure Hustache 

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