3 questions à Jean-Marie SERONIE, agroéconomiste : « Les sciences du vivant permettront des avancées réelles et durables. »

13, Fév 2023 | Agriculture

3 questions à Jean-Marie SERONIE, ingénieur agronome et agroéconomiste, auteur de « 2041, l’odyssée paysanne », aux éditions France Agricole

1/ Quelle analyse faites-vous de ce monde agricole plus que jamais en transition(s) ?

Le prisme de l’agriculture révèle en effet combien notre époque est questionnante. Et les politiciens ainsi que les médias ne s’y trompent pas. Il y a plusieurs raisons à cela et notamment l’importance que nous accordons à la santé. Nous sommes plus soucieux de notre hygiène de vie et de notre alimentation, et par conséquent nous devenons des consommateurs plus exigeants, ce qui incite les agriculteurs à évoluer en ce sens pour proposer des produits plus rassurants.

De même, les questions environnementales et climatiques ont fait ressortir d’une part la responsabilité de l’agriculture s’agissant des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi son apport en solutions, relatives au stockage du carbone via la photosynthèse par exemple. Sans parler des événements climatiques extrêmes qui se multiplient et qui impactent directement les terres agricoles et par conséquent les productions.

Il faut ajouter à cela le fait que nos concitoyens sont aujourd’hui à plus de 70 % urbains et qu’ils ont un lien de plus en plus distancié avec la réalité de l’agriculture. Ils sont de plus en plus exigeants vis à vis des paysages, de leur qualité de vie, de l’environnement visuel, auditif, olfactif, etc. Un chiffre illustre parfaitement cette disjonction entre le monde agricole et l’opinion publique : alors que 90 % des agriculteurs considèrent avoir modifié leurs pratiques afin de réduire leur impact environnemental, à peine un quart de nos concitoyens le pensent.

2/ Quel regard portez-vous sur ces nouvelles générations de paysans que l’on décrit comme des “agriculteurs augmentés” ou des « managers de la complexité” comme vous l’écrivez dans votre ouvrage. Sont-ils à même de relever les défis de ce 21ème siècle ?

Même si le chemin n’est pas toujours évident, nous savons que globalement, nous allons vers une agriculture plus naturelle, avec des formes variées et multidimensionnelle, portée par des hommes et des femmes devenus véritablement entrepreneurs du vivant. Alors, oui les agriculteurs sont-ils aujourd’hui formés pour gérer la complexité ? Ils sont mieux formés qu’avant. Ils ont un niveau de formation plus élevé. Est ce qu’il est suffisant ? Je ne le crois pas. Il faut proposer des formations continues aux agriculteurs. Il faut leur donner les moyens de s’adapter de trouver des voies nouvelles pour inventer l’agriculture d’après-demain tout en continuant de produire pour demain. Il faut trouver des modes de partenariat, des modes de délégation qui permettent d’assumer l’ensemble des compétences, aucun agriculteurs ne pouvant aujourd’hui toutes les maîtriser tant leur spectre s’élargit !

3/ Dans votre ouvrage, vous insistez beaucoup sur le besoin de recourir aux « sciences du vivant », aux biotechnologies, pour assurer une agriculture durable et d’avenir. Qu’en est-il exactement ?

Je crois en effet que le monde agricole et tout ce qui s’y rattache, y compris le monde politique qui prend des décisions impactant les agriculteurs, doivent de plus en plus avoir une démarche rationnelle à une approche scientifique intelligente. Les sciences et les technologies du vivant sont de plus en plus importantes et des avancées réelles permettent d’espérer des pratiques efficaces plus simples et plus durables. Je pense à tout ce qui concerne l’épigénétique, tout ce qui concerne l’écologie au sens de l’agroécologie, des systèmes de production, des agro systèmes. Je pense aussi à toute la connaissance du microbiote et je devrais dire d’ailleurs des microbiotes, microbiote du sol, microbiote de la feuille , microbiote de la plante que l’on retrouve dans les racines, ce qui facilite et qui a un impact sur la nutrition des plantes et leur résistance aux maladies. Une des expressions à la mode aujourd’hui de cette dimension, c’est bien sûr le concept One Health qui est très global mais où les microbiotes sont un trait de de connexion entre tous les écosystèmes.

Propos recueillis par Marie-Laure Hustache 

 

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